Identifiée comme première chute (1st Fall), le plan de l’arpenteur Bouchette (Plan of the Townships of Rawdon & Kildare) place cette chute entre les lots 17 et 18 du rang 4 du canton de Rawdon (voir extrait ci-après). Avec ses 37 pieds (11,27 m) de dénivelé, la Société de géographie du Québec évaluait sa puissance absolue à 1700 chevaux-vapeur (HorsePower).

Elle devient la chute Manchester

Depuis cette première identification, elle en viendra à porter le nom de « Chute Manchester » soit le nom de la famille propriétaire, pendant la première moitié du 19th siècle, des terres sur lesquelles coule cette chute. Bien que son nom ne soit pas reconnu par la Commission de toponymie du Québec, différents documents permettent d’associer le nom de David Manchester à cette chute. Un document disponible sur le site web du Greffe de l’Arpenteur général du Québec compile une liste de personnes ayant obtenu des terres dans le canton de Rawdon. Ce document identifie David Manchester comme bénéficiaire (Grantee) du lot 17 et Richard Finlay du lot 18 tel que le démontre cet extrait.

En vertu d’une entente signée le 4 avril 1822 devant le notaire Thomas Bédard, David Manchester acquiert de Richard Finlay les droits sur les deux cent acres de terre du lot 18 du rang 4.

 

Né en novembre 1779 à un endroit qui demeure toujours inconnu de nos jours, David Manchester a connu une carrière qui démontre beaucoup de détermination. Bien que nous ignorions encore plusieurs de ses contributions au développement de Rawdon, il faut reconnaitre que David Manchester aura acquis une expertise enviable en construction de moulins et dans l’industrie forestière de la région.

Issu d’une famille qui proviendrait de l’État de New-York et aurait été loyale à la couronne britannique, David Manchester arrive au Bas-Canada vers 1806 et s’installe dans la seigneurie de Terrebonne, comme nous l’apprend Daniel Parkinson dans son livre « Up to Rawdon ». Daniel consacre d’ailleurs un chapitre à David Manchester et à sa famille. Intitulé « David Manchester : Entrepreneur », le titre de ce chapitre décrit fort bien la carrière de ce personnage et de plusieurs autres ayant marqué l’histoire de Rawdon.

Peu ou pas scolarisé, David Manchester s’est identifié, selon les recensements et des archives familiales obtenues par Daniel, comme menuisier, meunier, machiniste et cultivateur à la fin de sa carrière. Son nom apparait également dans divers actes notariés comme négociant/marchand de bois et expert en construction de moulin. Bien qu’il puisse signer son nom, des déclarations des enseignants de ses enfants à l’école des Fourches portent à croire que David Manchester ne savait ni lire ni écrire.

Le nom de David Manchester est rapidement associé à la famille McKenzie et à la famille Oldham. La succession de Simon McTavish avait loué, en 1805, la seigneurie de Terrebonne à Henry McKenzie, un agent de la seigneurie à compter de 1803. Henry McKenzie s’allia à son frère Roderick, ancien partenaire de McTavish et à un avocat devenu marchand, Jacob Oldham pour former McKenzie, Oldham and Co. Cette compagnie gère l’Ile des moulins, un complexe pré-industriel situé à Terrebonne. Roderick McKenzie, d’abord connu comme un trafiquant de fourrures, fut également officier de milice, juge de paix, homme politique, auteur, mais aussi, seigneur de Terrebonne de 1814 à 1824 comme le résume un article du journal la Revue en date du 30 juin 2017. Avocat né en Angleterre, Jacob Oldham arrive au Québec vers 1791. Il s’installe à Terrebonne, devient l’agent de la seigneurie du même nom et est aussi élu député d’Effingham (Terrebonne) en 1820. Un marché conclu devant Me Joseph Brunelle en date du 20 août 1817 entre David Manchester et Jacob Oldham traduisait leur volonté de faire affaire ensemble. Ce marché mettait en commun des baux signés par David Manchester pour des terrains avec moulins à scie situés sur la rivière Mascouche et par Jacob Oldham pour une ferme avec moulin à scie sur la rivière Lac Ouareau. Ce dernier bail fut signé avec les Messieurs du Séminaire de Montréal, propriétaire de la Seigneurie de Saint-Sulpice. Daniel Parkinson nous apprend également que David Manchester aurait emménagé à Lac Ouareau en 1814 après avoir vendu sa propriété à Terrebonne à un membre de la famille de Roderick McKenzie.

À Lacouareau, David Manchester aura certainement su imposer sa présence comme le démontre cet extrait (ci-après) de la carte produite par l’arpenteur Joseph Bouchette Junior en 1821. Cette carte identifie non seulement Manchester Place, l’endroit où seraient situés les moulins, mais également Manchester Road, la route qui conduit de Manchester Place au centre du village de Rawdon et même au-delà.

Extrait du plan de Josepĥ Bouchette montrant Manchester Place

À Manchester Place, bien qu’aucun document formel le confirmant n’a été retracé, David Manchester aurait exploité pour le compte de la compagnie Mackenzie Oldham un moulin à scie et un moulin à farine. Manchester Place est situé sur le territoire de la seigneurie de Saint-Sulpice (devenu aujourd’hui Saint-Liguori) à quelques kilomètres de la ligne du Canton de Rawdon. Une revue des actes notariés du greffe du notaire Thomas Bédard démontre que M. Manchester a été très actif lors de son séjour à Lacouareau. Entre 1818 et 1820, il fait l’acquisition de plusieurs coupes de bois de pin de même que différents lopins de terre. Sa réputation dépassait même le territoire de Lacouareau. Du greffe du notaire Barthélémy Joliette, un rapport produit le 17 mars 1821, à la demande de la veuve du seigneur (Pierre Louis Panet) de la seigneurie d’Ailleboust, nous apprend que David Manchester agissait comme expert pour déterminer la conformité au devis des travaux de construction d’un moulin et de sa digue d’approvisionnement en eau. Ce rapport identifie une longue liste de non-conformités à corriger par le contracteur.

L’entente signée le 4 avril 1822 devant le notaire Thomas Bédard nous ramène sur le territoire de Rawdon. David Manchester fait l’acquisition des droits sur les deux cent acres de terre du lot 18 du rang 4 du canton de Rawdon. Ces droits appartenaient à Richard Finlay, « un immigrant d’Irlande » qui les avait obtenus le 12 juillet 1820 de Joseph Bouchette, l’Arpenteur Général. Richard Finlay se déclare incapable de satisfaire les conditions imposées. L’entente confère à David Manchester plein pouvoir pour se substituer à Richard Finlay et respecter les conditions à satisfaire pour obtenir les lettres patentes. Cette entente prévoit un versement de « cinquante piastres d’Espagne » par David Manchester à Richard Finlay à la signature de l’entente et un versement d’une « pareille somme de cinquante piastres d’Espagne » en juin. Cette entente est assortie de diverses clauses protégeant David Manchester s’il ne réussissait pas à obtenir les « lettres patentes/grant ». David Manchester habite toujours Lacouaro (sic) dans la paroisse de Saint-Jacques au moment de la signature de cette entente comme le précise le texte de l’entente.

In his book Up to Rawdon, Daniel Parkinson mentionne qu’il est impossible de déterminer avec certitude la date à laquelle David Manchester aurait déménagé de Lacouareau à Rawdon parce qu’il n’apparaît ni à Rawdon ni à Lacouareau ou Saint-Jacques lors du recensement de 1825. Daniel suggère que ce serait donc après 1826. Marcel Fournier, avec précisions apportées par Daniel Parkinson confirme que des billets de location ont été émis le 12 juillet 1820 à Richard Finlay, un immigrant irlandais protestant (Rang 4 – Lot 18), et à ses fils (Richard jr. : Rang 4 – Lot 17 Sud et Thomas : Rang 4 – Lot 17 Nord). Bien qu’aucun document ne permette de le confirmer, il est probable que les fils de Richard Finlay aient aussi cédé leurs droits sur les lots qui leur avaient été attribués en vertu d’ententes similaires à celle signée par leur père. Des lettres patentes portant sur l’ensemble du lot 17 ont été émises le 26 septembre 1836 au nom de Manchester. Richard Finlay avait déjà obtenu, le 4 février 1825, les lettres patentes pour le lot 18. David Manchester a dû les récupérer en vertu de l’entente mentionnée précédemment. David Manchester étant devenu propriétaire des lots 17 et 18 qui incluraient cette première chute, il est fort probable que la population de Rawdon en soit venue à identifier cette chute comme la chute de David Manchester ou plus simplement « chute Manchester ».

Cultivateur sur ses terres de Rawdon en bordure des chutes qui porteront son nom, David Manchester demeurera actif jusqu’à son décès survenu vers 1833 bien qu’il commence à se départir de certains de ses terrains à partir de 1829. Des membres de la famille Manchester conserveront des terrains à Rawdon pendant plusieurs années encore de sorte que le nom Manchester apparait toujours sur la carte, qualifiée de Carte Holtby, annotée vers 1845.

Même si de nombreuses informations nous manquent pour mieux connaitre l’histoire de David Manchester, des remerciements doivent être adressés à Yves Forest, Daniel Parkinson et Guillaume Petit pour leurs contributions.

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Emplacement et cartographie – Chute Manchester

Le site geogratis du gouvernement du Canada détermine les coordonnées géographiques de nombreux emplacements au Canada en format décimal à sept chiffres significatifs. La Commission de toponymie du Québec n’en conserve que cinq mais fournit aussi les coordonnées en format sexagésimal (degrés, minutes, secondes). Les six chutes de Rawdon y sont répertoriées. Le tableau suivant présente les coordonnées de la chute Manchester en format décimal du gouvernement du Canada et en format sexagésimal de la Commission de toponymie :

 

CoordonnéesDécimalesSexagésimales
Latitude46.033611146⁰02’01’’
Longitude73.685277873⁰41’07’’

Une carte topographique produite par le gouvernement du Québec permet de visualiser l’emplacement de cette chute. Il faudra se référer à une carte disponible sur le site du greffe de l’arpenteur général du Québec pour la situer sur le cadastre original du Canton.

Extrait - Carte topographique – Gouvernement du Québec
Greffe de l’arpenteur général du Québec - Lots 17 et 18 - Canton de Rawdon

La chute Manchester au XXIe siècle: des photographies

Ces photographies permettent d’apprécier la beauté de cette première chute (1st Fall) ou chute Manchester.

Ces photographies sont mises à la disposition de la Société d’histoire de Rawdon grâce à la collaboration de M. Yvan Boudreault et M. Pierre Leclerc.

 

  • Plan of the Townships of Rawdon & Kildare/Joseph Bouchette Jun, Deputy Prov. Surveyor, Oct. 31st 1821
  • https://www.quebec.ca/habitation-et-logement/information-fonciere/greffe-arpenteur-general – Document CA20R005_8_2
  • https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4549087
  • https://vgo.portailcartographique.gouv.qc.ca/mobile.aspx?gpz_point=-7409952.391302186,%206215035.784324403&echelle=8735660&epsg=3857&gpz_nomMap=-%20Carte%20topographique%2020k
  • Greffe de l’arpenteur général du Québec – Canton de Rawdon (consulté le 10 septembre 2023) https://appli.foncier.gouv.qc.ca/gagq
  • Up to Rawdon: Settlers at Rawdon Township, Lower Canada, C. 1820-1852: Their Origins and Continued Migration Across Canada and the United States, Volume 1 & 2 / Daniel Parkinson, 2013, 1156 pages
  • Chroniques anachroniques / Guillaume Petit (https://montrealbb.ca/moulins-ouareau-1850/)