Église catholique avant sa démolition en 1956

Retracer l’histoire de l’Église catholique à Rawdon, c’est un peu retracer l’histoire du village lui-même. Laissons donc l’historien Marcel Fournier raconter cet important épisode :

Les premiers catholiques de Rawdon

Avant l’arrivée des Irlandais, l’histoire de l’Église catholique se confond avec celle de la paroisse-mère, Saint-Jacques-de-l’Achigan. Et on se demande comment les premières familles irlandaises ont rempli leur devoirs religieux, puisqu’il semble que ce ne soit que deux ans après leur arrivée qu’ils prirent contact avec le curé de Saint-Jacques, M. Jean-Marie Madran. En effet, ce n’est qu’en 1818 que plusieurs familles se rendirent à l’église de Saint-Jacques pour faire baptiser leurs enfants.

Jusqu’à 1825, faute de prêtres anglophones, l’autorité religieuse sembla embêtée avec ce groupe d’immigrants. On ignorait leur nombre et leur refuge, sur les bords de la rivière Ouareau.

En 1825, alors que se profile un début de solution, un conflit de juridiction s’établit entre le curé de Saint-Jacques et celui de Saint-Paul, c’est-à-dire M. Jean-Romuald Paré et M. Jean-Marie Bellanger. Mgr Plessis, évêque de Québec, autorisait ce dernier à desservir Rawdon : il était bilingue. De son côté, M. Jean-Romuald Paré, curé de Saint-Jacques depuis 1819, continuait à s’intéresser vivement à cette nouvelle mission puisque les gens s’adressaient à lui, Saint-Jacques étant plus facile d’accès que Saint-Paul.

Tout de même en 1825, le curé de Saint-Paul procéda, lors de sa première visite dans le canton, au recensement de la population catholique de l’endroit. Dans son rapport, il indique la présence de 127 Irlandais et mentionne l’installation prochaine d’un nouveau groupe.

Mgr Lartigue, évêque de Telmesse et coadjuteur de l’évêque de Québec pour la division ecclésiastique de Montréal, fut rapidement sensibilisé aux problèmes de la mission de Rawdon. La présence d’autres groupes anglophones protestants et l’arrivée en 1821 du Révérend Burton, ministre anglican, pressa Mgr Lartigue de s’occuper sérieusement de ces Irlandais catholiques. Aussi demandait-il au curé Bellanger, le 20 janvier 1826, de désigner sur le lot 23 du 4e Rang, l’emplacement d’une chapelle de bois de 30 pieds sur 20 pieds avec une sacristie de 18 pieds carrés dont une partie servira de logement aux missionnaires qui visiteront les catholiques de ce canton. Enfin, Mgr Lartigue autorisa M. Bellanger, de Saint-Paul, de planter une croix sur ce terrain de 30 arpents appartenant à M. Peter Green. (Dans le rang Kildare, à l’entrée du chemin du domaine du lac Kildare.)

Une chapelle à Rawdon

Un premier geste officiel était donc posé pour doter Rawdon d’une chapelle. Même si l’endroit était choisi, la construction ne débuta que plus tard. Ce site ne coïncidait pas avec celui des Irlandais : ils tenaient à leurs idées et ne voulaient pas construire la chapelle à l’endroit que Mgr avait choisi. Cette impasse retarda la construction de ce premier temple catholique. M. Bellanger devait donc célébrer les offices religieux à l’endroit où l’abbé Jean-Baptiste McMahon avait l’habitude de les célébrer, soit chez M. John Carrol, lot 17 du 7e Rang.

En plus d’être desservi par le curé de Saint-Paul, dont la paroisse était déjà immense, Rawdon recevait régulièrement la visite de prêtres missionnaires venant de Montréal : tous les prêtres anglophones du diocèse ayant juridiction sur Rawdon s’y rendaient.

Jusqu’en 1829, le curé de Saint-Paul aura l’entière responsabilité de la desserte de Rawdon. Toutefois, le curé de Saint-Jacques continuera à s’intéresser aux Irlandais de Rawdon, puisqu’ils s’adressaient à lui. Lorsque M. Bellanger quitta Saint-Paul en 1829, M. Paré reprit immédiatement la responsabilité de la mission de Rawdon qu’il avait délaissée en 1826. Son désir de répondre aux besoins spirituels de la population de Rawdon sera exaucé : en janvier 1830, M. Louis Naud, vicaire à Saint-Jacques était désigné pour s’occuper de Rawdon, et M. James Moore, missionnaire de Montréal, devenait visiteur occasionnel des anglophones de toute la région.

Entre-temps, le problème du site de la chapelle n’avait pas encore été résolu et M. Paré en avisa Mgr Lartigue « qu’il serait préférable de construire la chapelle au centre du village, car à l’endroit préalablement choisi par Votre Grandeur, il n’y résidait qu’un seul Irlandais, soit M. Peter Green. »

M. Naud ne demeura pas longtemps à Saint-Jacques. En cette même année 1830, il devenait curé de Mascouche, ce qui laissait M. Paré encore seul pour répondre aux besoins religieux de Rawdon. Si l’évêque ne voulait pas que M. Paré s’occupe de la mission de Rawdon, ce n’était certainement pas parce qu’il n’était apte à le faire. La pénurie de prêtres dans la région de Montréal, et l’immense responsabilité du curé du « Grand Saint-Jacques », paroisse immense de plus de 4 000 âmes, constituait une tâche difficile : l’évêque ne pouvait certainement pas surcharger davantage le dévoué serviteur de Dieu, le « saint curé Paré ».

Aussi, le 30 novembre 1830, Mgr Lartigue demande-t-il au curé de Saint-Jacques « que le petit Vinet (Jacques-Janvier) s’occupe bien de Rawdon, car je vous l’ai donné pour cela et qu’il s’occupe de faire finir à ces Irlandais leur chapelle et d’y faire établir une école… »

L’arrivée de nombreux immigrants irlandais en 1828 et 1830 accroissait rapidement la population de Rawdon qui ne possédait toujours pas de chapelle. De nombreuses requêtes continuaient à presser l’évêque de désigner sans délai, un endroit plus adéquat que le premier pour la construction de la chapelle.

Cette situation ne pouvait plus durer. Décidément, Rawdon aura causé des soucis à l’évêque de Montréal, qui a peu de prêtres et encore moins, de prêtres bilingues ou anglophones.

Après avoir fait appel aux curés de Saint-Paul et de Saint-Jacques, l’évêque s’adresse à un autre curé voisin, celui de Saint-Esprit, M. Charles-François Caron, le 8 juin 1831, pour choisir, avec l’assentiment des paroissiens, un site correspondant aux désirs de la majorité. Le 9 août suivant, M. Caron fait part de son rapport contresigné par Thomas Lane et James Daly. Il recommande la construction d’une chapelle de 50 pieds sur 30 pieds, et de 15 pieds de hauteur, sur le lot 17 du 5e rang.

Le 26 du même mois, Mgr Lartigue accepte le rapport de M. Caron et donne le feu vert à la construction de la chapelle de Rawdon attendue depuis plus de cinq ans.

Il désigne Saint Philippe comme titulaire de la mission. Le 27 octobre, il autorise M. Paré, en sa qualité d’archiprêtre, de bénir une croix sur le site de l’éventuelle construction. Mais les obstacles ne sont pas épuisés, il fallait obtenir le terrain, ce qui n’était pas chose facile. Selon les dernières instructions de l’évêque, il n’était plus question de modifier le site et les habitants devaient accepter l’emplacement.

Entre-temps, Mgr Lartigue fait part au curé Paré que le titulaire de la chapelle de Rawdon sera dorénavant Saint Grégoire VII. Ce dernier changement daté du 17 décembre 1832 ne fut pas fait à la demande de la population ni du curé de Saint-Jacques. Mais l’évêque, voulant séparer le territoire de Kildare de celui de Rawdon, donna ce nouveau nom à la desserte de Rawdon, et conserva celui de Saint-Philippe pour Kildare.

Cependant la chapelle était loin d’être commencée. Imaginez, il fallut attendre jusqu’au mois de mars 1833 avant de tenir une première assemblée à ce propos. On décida que M. Pierre Vaillant présiderait à la construction d’une chapelle de bois de 60 pieds sur 40 pieds sur 16 pieds de hauteur, qui devait être terminée en octobre, le coût des travaux s’élevait à 125 livres sterling (500$). La chapelle s’élevait sur le site du cimetière actuel.

Le 18 avril 1833, à la seconde réunion, Thomas Lane, Edmond Archambault et Patrick Oneil acceptèrent d’agir à titre de syndics pour recueillir les fonds nécessaires à la construction. Quelques semaines plus tard, ils avaient recueilli la somme de 87 livres et 18 shillings (351.04$). Même si on n’avait pas amassé la totalité des fonds, la chapelle fut quand même construite et le 21 septembre 1834, pour la première fois, la messe fut célébrée dans la nouvelle chapelle. Cette première messe fut célébrée pat M. L.-O. Deligny, vicaire à Saint-Jacques.

Presbytère, cimetière et paroisse religieuse

Une fois la chapelle construite, il fallait un presbytère pour accueillir les prêtres desservants. Jusque-là, le prêtre résidait dans un appartement aménagé dans la sacristie. Quelques mois plus tard une maison de 20 pieds sur 15 pieds fut parachevée contre l’église de Saint-Grégoire. Un poêle double, deux lits et un confessionnal y furent installés.

En juin 1836, le cimetière était béni par M. Roderick Ryder, chargé de la mission de Rawdon et vicaire à Saint-Jacques-de-l’Achigan. Ce terrain, voisin de l’église, fut donné par M. Griffith, agent des terres de la Couronne.

La petite desserte de Saint-Grégoire-de-Rawdon prit lentement l’aspect d’une paroisse religieuse. Être reconnue comme paroisse comblerait la population et procurerait un statut que les colons anticipaient depuis fort longtemps. Pour répondre à ces aspirations, Mgr Lartigue nomma M. Dennis McReavy curé de Saint-Philippe-de-Kildare (Saint-Ambroise) et de Saint-Grégoire-de-Rawdon, le 15 novembre 1837. M. McReavy demeurera cependant à Saint-Philippe et s’occupera des besoins spirituels des fidèles de Rawdon une ou deux fois par semaine. Rawdon devenait donc une paroisse autonome, même si le curé n’y résidait qu’à temps partiel.

McReavy avait été nommé desservant le 19 octobre 1836, et il inaugura les premiers registres paroissiaux le 26 mars 1837 par le baptême à la chapelle Saint-Grégoire de Thomas Boilen, fils de Phélix Boilen et de Anne Nancy, de Paisley. Le 31 mars 1837, première inhumation : celle de Eléza Moore, âgée de deux ans et sept mois, fille de William Moore et de Catherine Pratt, décédée la veille. Une semaine plus tard, premier mariage : celui de John Doherty et de Catherine Tanzy dont le père Peter était originaire d’Irlande.

Le 28 août 1837, se tient au presbytère, après l’office divin, la première assemblée de la fabrique pour élire les trois premiers marguilliers. John Carroll, Luc Dupuis et Luke Daly furent élus à l’unanimité, M. Carroll acceptant le poste de marguillier en charge.

Mgr Lartigue avisa M. McReavy que désormais, le titulaire de la paroisse de Rawdon sera l’Immaculée-Conception-de-la-Sainte-Vierge, Saint-Grégoire-VII demeurant deuxième titulaire. C’était le 3 juin 1838.

Depuis ses débuts, Rawdon avait connu beaucoup de desservants venant de Saint-Paul, de Saint-Jacques ou de Montréal. Enfin Mgr Bourget, pour remédier à cette situation instable, dote Rawdon d’un prêtre en permanence. Ce nouvel évêque de Montréal écrit le 10 septembre 1840 à M. McReavy qu’il le décharge de la desserte de Saint-Philippe-de-Kildare, et qu’il le désigne curé de l’Immaculée-Conception-de-Rawdon. Cette lettre de l’évêque confirme, hors de tout doute, que M. McReavy fut le premier curé en titre de Rawdon.

Enfin Rawdon devenait une véritable paroisse même si l’érection canonique n’eut lieu qu’en 1882. Une église, un presbytère et, le plus important, un curé résident. Cette présence permanente de M. McReavy fut cependant de courte durée, car en janvier 1841, il fut retiré de Rawdon, sans successeur désigné. Son départ ne plut guère aux paroissiens car ils se retrouvaient sans guide spirituel. Pendant près de quatre ans, de 1841 à 1844, les catholiques de Rawdon furent donc dans l’obligation de se rendre à Saint-Jacques pour faire baptiser leurs enfants.

Curé résident et titulaire de la chapelle

Avec l’accroissement de la population et pour faire échec au militantisme des autres communautés religieuses, il devenait important d’envoyer un autre curé à Rawdon. Pour accélérer les démarches faites par le curé de Saint-Jacques, l’infatigable M. Paré, les habitants de l’Immaculée-Conception firent parvenir, le 30 novembre 1841, une requête à Mgr Bourget le suppliant d’envoyer à Rawdon un curé résident, le plus tôt possible.

En plus du problème du curé résidant, un autre aussi important avait surgi, celui du paiement de la chapelle. Pour couvrir les frais, il manquait près de 150$ : cette dette traînait depuis longtemps. L’évêque dut s’en mêler. Il désigna M. Patrick Carroll, marguillier en charge et M. Dean Byrne, notaire à Rawdon, de voir à ce que le montant nécessaire soit récupéré le plus rapidement possible. De plus, Mgr Bourget leur recommandait d’attendre qu’un prêtre soit envoyé à Rawdon avant de traiter avec les créanciers, entre autres M. Pierre Vaillant, constructeur de la chapelle.

Il n’était pas facile de recueillir le montant requis. Les Irlandais se disaient qu’il était inutile de posséder une chapelle s’il n’y avait pas de prêtre résident. L’attente fut assez longue, car ce ne fut que le 24 septembre 1844, que M. Joseph-Amable Flavien Cholette fut désigné vicaire à Saint-Jacques avec la charge de Rawdon. Entre-temps, on avait recueilli les sommes dues, et Mgr Bourget faisait parvenir une lettre de félicitations à MM. Carroll et Byrne pour la célérité avec laquelle ils s’étaient acquittés de leur tâche. M. Cholette arrive donc à Rawdon et s’installe au presbytère après avoir visité M. Paré pour prendre connaissance de ses responsabilités.

Le 16 novembre, M. Cholette écrit à Mgr Bourget pour lui faire part de ses impressions sur Rawdon :

« Comme vous me l’aviez dit, j’ai trouvé Rawdon bien montagneux et difficile d’accès, cependant je m’en étais fait une idée bien pure. À mon arrivée à Saint-Jacques, le bon Monsieur Paré me reçut avec sa charité si bien connue. Je ne connais pas encore tous les gens de Rawdon. Je crois qu’ils sont bons, si j’en juge par l’empressement qu’ils ont eu à faire réparer le presbytère et ils paraissent assez disposés à payer leurs dîmes…. »

La pauvreté des habitants, les difficultés d’organisation, l’état pitoyable des routes et la concurrence des autres églises ne rendent pas la tâche facile au curé. Toutefois, le courage et la charité de la petite colonie irlandaise touchent ce dévoué serviteur de Dieu.

Tous les problèmes n’étaient pas réglés et d’autres surgissaient continuellement. En 1844, le gouvernement fit parvenir à l’arpenteur James Dignam de Berthier, des instructions lui demandant de subdiviser en blocs et en lots, la terre 17 du 5e rang, c’est-à-dire le site du village. Ce cadastre (8 janvier 1845) modifiait légèrement le sens des lots, ce qui obligeait la fabrique à obtenir de nouveaux terrains du gouvernement pour le presbytère et le cimetière. Les démarches en ce sens furent aussitôt entreprises et quelques semaines plus tard, la fabrique obtenait deux arpents de terre. L’ancien presbytère était trop fragile pour être déménagé, la fabrique décida d’en construire un nouveau plus grand et plus adéquat. Le 17 mars 1845, une souscription fut entreprise dans la paroisse et le contrat de construction fut signé devant notaire.

Les travaux se terminèrent rapidement et dès le mois de juin de la même année, le curé de Rawdon occupait le deuxième presbytère.

Entre-temps, on modifia encore une fois le titulaire de la chapelle. En effet, les Irlandais désiraient depuis fort longtemps Saint-Patrice. Le 19 avril 1845, une requête des marguilliers et du curé sollicitait ce changement. La réponse tarda à venir ; Mgr Bourget ne devait pas tenir beaucoup à changer de patron une troisième fois. M. Cholette envoya une seconde lettre à Mgr Bourget lui demandant de répondre favorablement au désir de la majorité. Le 24 juin 1845, finalement, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, Mgr avisa M. Cholette que Saint-Patrice serait désormais le patron titulaire de la paroisse de Rawdon.

Cette mesure fut grandement appréciée des Irlandais. La vie religieuse, enfin lancée, ne connut guère de transformations pendant plusieurs années. De nombreux prêtres se sont succédé à la direction de la paroisse. À part l’obtention par la fabrique, de lots du gouvernement en 1854, rien ne vint bouleverser la vie religieuse : catholiques et protestants ne vivant peut-être pas en termes chaleureux, mais pacifiques quand même. Ce fut une période pleine de progrès. La population augmentait sans cesse et rapidement, Rawdon devenait un important village par la diversité de ses ethnies, de ses industries et de ses nombreux commerces.

Reconnaissance canonique

En 1880, les paroissiens de Rawdon désiraient leur reconnaissance canonique. Une requête en ce sens, signée par 79 habitants fut transmise à Mgr Charles-Édouard Fabre, évêque de Montréal (21 décembre 1881). Mgr Fabre désigna le Chanoine Paul Leblanc de la cathédrale Saint-Jacques, le 21 janvier 1882, pour vérifier les bien-fondés de cette requête. Le 16 février suivant, le Chanoine Leblanc recommande à Mgr Fabre d’accéder aux revendications des paroissiens. Le décret officiel d’érection de la paroisse religieuse de Saint-Patrice-de-Rawdon, dans le comté de Montcalm, district judiciaire de Joliette, fut promulgué le 28 février 1882. Dans le même décret, Mgr recommande d’entreprendre immédiatement les procédures de reconnaissance civile, ce qui advint le 7 juin 1882.

Construction de la première église catholique

1882 est donc une date religieuse marquante. Depuis deux ans, la petite chapelle catholique était trop exiguë. Aussi s’adressait-on à nouveau à l’évêque afin de construire une nouvelle église répondant mieux aux besoins de cette population toujours grandissante.

À juger la célérité avec laquelle la demande fut étudiée, il semble qu’elle était pleinement justifiée puisque le 25 août de la même année, Mgr Fabre signa le décret permettant à la fabrique de procéder à la construction de la nouvelle église.

Toutefois, ce décret diocésain comportait des exigences importantes et précises. Retenons-en quatre qui influenceront directement la construction de ce temple :

1— L’église devra être construite en briques rouges.

2— Elle devra mesurer environ 80 pieds sur 45 pieds sur 22 pieds de hauteur.

3— La sacristie devra mesurer 30 pieds sur 25 pieds et 13 pieds de hauteur.

4— La construction aura lieu seulement après le dépôt du plan.

Après avoir étudié soigneusement ces exigences, les marguilliers acceptèrent le décret le 14 octobre 1882. On se mit immédiatement à la tâche. Le 24 octobre suivant, Nazaire Bilodeau, Zéphirin Payette, Michael Skelly, Ambrose Rowan et Hugh Green furent élus syndics et responsables de la direction et de la surveillance des travaux.

Le choix du site n’avait pas été déterminé. Les marguilliers et les syndics n’étaient pas en faveur de construire la future église à l’endroit du cimetière actuel. Ils préféraient un emplacement sur la rue Queen, ce qui aurait l’avantage d’être un peu plus central. Quelle ne fut pas leur chance, lorsque Dame Anastasie Dugas, épouse de Firmin Dugas, membre de la Chambre des communes, légua à la fabrique de Rawdon un immense terrain situé sur la rue principale. Cette donation était faite à la condition expresse que la paroisse décide de construire l’église à cet emplacement. Les marguilliers acceptèrent avec empressement ce don et autorisèrent M. Michael Skelly, marguillier de Rawdon, à passer le contrat le plus tôt possible.

Grand soulagement pour les administrateurs ! Désormais, ils étaient en mesure d’entreprendre la construction proprement dite. Au début de l’année 1883, les syndics engagèrent la firme d’architecte J. R. Poitras et V. Roy de Montréal pour dessiner les plans selon le décret de Mgr Fabre. En l’espace d’une année, les devis furent préparés et soumis à l’évêché. Toutes les exigences du décret furent respectées sauf la première, celle de la brique. Les syndics alléguèrent l’impossibilité de trouver de la brique et demandèrent de la pierre taillée pour la façade et de la pierre des champs pour le reste. Même avec cette modification, les plans furent acceptés et le projet pouvait débuter.

Autorisés, les syndics signèrent, le 7 février 1884, le contrat de construction avec la Compagnie Boileau et Frères de L’Île-Bizard d’une somme de 12 600 $. Par ce contrat, la fabrique s’engageait à payer en 14 paiements de 900 $ chacun, et l’entrepreneur devait livrer l’église pour Noël 1886. Après la signature du contrat, les travaux débutèrent et se poursuivirent pendant plus de deux ans pour être terminés à la date prévue.

Même si les travaux extérieurs étaient terminés, il fallut attendre jusqu’à l’été 1887 avant qu’ils ne soient complétés. Le 5 juin 1887, eut lieu, avec toute la solennité d’usage, la bénédiction de la cloche en présence des personnalités religieuses et civiles ainsi que d’un grand nombre de fidèles.

En 1886, la fabrique décida également de construire un nouveau presbytère près de la nouvelle église : cela allait de soi. Le 28 novembre 1886, les syndics reçurent l’autorisation de procéder à la construction du presbytère. Le contrat de construction fut signé avec M. Thomas Kite de Rawdon pour une somme de 1 533 $.

La fabrique demanda l’autorisation de vendre l’ancien presbytère. L’évêque refusa. La fabrique décida alors de le transporter sur le terrain de l’église où il servirait de résidence au bedeau et de salle paroissiale, appelée selon la coutume « salle des habitants ».

En 1888, église et presbytère étaient terminés et répondaient pleinement aux besoins locaux. Par la suite, de nombreuses améliorations vinrent s’ajouter selon les découvertes ou les besoins : système d’éclairage électrique dans l’église et le presbytère en 1913, construction d’une clôture autour du cimetière en 1925, et enfin, en 1931, importants travaux d’agrandissement de l’église.

En effet, l’augmentation de la population et le développement touristique de Rawdon décidèrent la fabrique à construire un transept du côté gauche de l’église au coût de 6 500 $. Par la suite, sous la direction du curé Beaudry, on procéda à l’aplanissement et à l’embellissement du terrain autour de l’église et du presbytère : peu de presbytères jouissent d’un si beau parterre que Mgr Vincent Piette et ses successeurs ont heureusement protégé.

Construction de la deuxième église catholique

Malgré cet agrandissement, on se rendit compte qu’il fallait penser à la construction d’une nouvelle église, plus spacieuse et plus moderne. Dès son arrivée à Rawdon en 1939, M. Vincent Piette ambitionnait de voir s’ériger sur le même site, un temple répondant mieux aux aspirations et aux besoins des citoyens. À cause de la guerre et des recherches toujours renouvelées de Mgr Piette, la construction de la 3e église de Rawdon débuta le 9 août 1954.

Le 10 juillet 1955, Mgr J.-A. Papineau bénit la pierre angulaire et donne à l’église un nouveau titulaire : Marie-Reine du Monde, mais conserve celui de Saint-Patrice comme deuxième titulaire. Mgr Piette grand dévot de la Vierge avait demandé cette addition à la suite de l’année mariale en 1954.

L’église de 168 pieds de longueur sur 56 pieds de largeur et de 56 pieds de hauteur fut inaugurée à la messe de minuit de Noël 1956. Enfin, elle fut bénie par Mgr Édouard Jetté, auxiliaire à Joliette, le 19 août 1956.

Après avoir connu une chapelle (1834) et deux églises (1886 et 1955), trois presbytères (1834, 1845 et 1887), cinq titulaires : Saint-Philippe (1831), Saint-Grégoire-VII (1832), l’Immaculée-Conception (1838), Saint-Patrice (1845) et Marie-Reine du Monde (1955), la paroisse de Rawdon peut aujourd’hui s’enorgueillir d’avoir l’un des plus beaux temples dédiés à Dieu. Près de 140 années de courage et de sacrifices ont permis de construire une église à la mesure de leurs aspirations.

Marcel Fournier, Rawdon : 175 ans d’histoire, Joliette, 1974, p.62-81.

 

Cette murale magistrale est l’œuvre du père Wilfrid Corbeil, c.s.v.
De magnifiques vitraux ornent l’église de Rawdon.
Le chemin de croix est l’œuvre du réputé sculpteur de Saint-Jean-Port-Joli, Médard Bourgault.
Vitrail illustrant Marie-Reine-du-Monde.